6 jours sur la HRP [5/6]

Étape 40 : Refuge de Mariailles – Refuge des Cortalets
– 26 aout 2012 –

Le Canigou était le principal objectif que l’on avait ces derniers jours. Les yeux rivés vers l’Est, il nous apparaissait évident, mais bien loin de nous. Après deux étapes tout en longueur, il est désormais tout proche. Là, aujourd’hui c’est du concret, et ce soir nous l’aurons gravi et dépassé. Il ne restera plus qu’à dérouler pour Melchior et Axel pour arriver à la Méditerranée.

Il a plu durant la nuit. Mais c’est du passé, le ciel est d’une clarté bluffante. Du coup il fait plutôt frais, l’humidité, le ciel bleu… On déjeune rapidement, tout en échangeant quelques mots sympathiques avec Céline et Loïc. Aujourd’hui ils filent vers l’Ouest et nous vers l’Est. Avec Melchior et Axel, ils échangent quelques infos sur le tracé. Les nouvelles sont forcement fraîches.
Nous rentrons dans la forêt pour un tracé plus ou moins à flanc, parfait pour une mise en jambe. C’est un peu monotone, mais ça reste agréable. Secrètement je m’informe des résultats sportifs du week-end grâce au portable qui a une fonction radio. Tout va pour le TFC qui après une victoire à Nancy se retrouve second du championnat ex-æquo ! Je distille aussi des infos sur le Top 14 à Axel, qui adore les statistiques.

Nous sortons peu à peu de la forêt à l’approche de la cabane Arago (qui s’écroulera un jour ou l’autre). Nous y faisons une pause. L’endroit est superbe. On ne rend compte qu’il reste à terre des traces de gelée. Confirmation, il a du faire bien froid cette nuit. De son côté, Melchior s’aperçoit que son Camelback fuit à une soudure : encore un Service Après Vente en perspective au Vieux Campeur !

La suite se fait au milieu de pelouses agréables, peu pentues. Avec Axel, nous optons pour une variante directe, et nous “déposons” quelques marcheurs. Le rythme est élevé, et je me sens pousser des ailes. L’endroit est vraiment magnifique : la forêt en contre-bas, les pelouses, et les arrêtes effilées plus haut, cela ne manque pas de cachet. Sarah qui s’est fait surprendre par notre départ de la cabane Arago est à la traine. Nous l’attendons sous la porteille de Valmanya. Nous approchons alors de la cheminée qui défend l’accès au sommet du Canigou. Tout n’est que caillasse autour de nous. Nous sommes excité à l’idée d’arriver au sommet. Le sourire est de tous les visages, même si certains se demandent comment cela va se passer dans la cheminée. L’ayant déjà fait par deux fois, je leur dis qu’il n’y aura pas de difficulté, et que je me souviens même de quelque chose de ludique. Nous arrivons à la brèche Durier et là, surprise, nos regards accrochent la grande bleue, là-bas, plein Est. On sent de l’émotion chez Alex et Melchior. Et pour cause.

Nous attaquons la cheminée. La pente est effectivement bien raide mais la difficulté est bien relative, et les prises bonnes. Quelques pas demandent un peu plus d’attention, mais rien de bien compliqué. Il s’agit surtout de grosses marches. Le poids des sacs à dos peut avoir son importance. On peut aussi provoquer quelques chutes de pierre bien involontairement. Des randonneurs faisant une pause à la base de la cheminée prennent bien des risques à nos yeux. Le goulet se resserre à l’arrivée du sommet, la pente augmentant encore. Là les marches sont remplacées par de petits pas d’escalade, et un minimum d’attention est requis pour des personnes non habituées.

Nous déboulons sur le sommet, et là, même si l’on s’y attendait, c’est quand même le choc : des dizaines et des dizaines de randonneurs sont là. Combien sont-ils ? 50 ? 80 ? Le contraste avec la solitude de la montée et des derniers jours passés est saisissant. Nous faisons bien sûr les photos souvenirs, indispensables, mais nous n’avons pas trop envie de nous attarder, du fait du monde, et aussi d’un vent froid qui nous glace. Nous profitons à peine de la vue  sur la Méditerranée, partiellement voilée au loin et nous entamons la descente.

Nous croisons alors toute sorte de marcheurs, du randonneur chevronné, au marcheur improbable qui s’est fixé le Canigou comme but ultime de ses vacances estivales, en passant par le catalan déguisé, et drapé de rouge et jaune. C’est assez folklorique, et rigolo. La vue plonge vers l’Ouest, et la vue vers les Fenouillèdes et les Corbières est magnifique. D’ici, le Madres  n’est qu’une guère colline qui ne cesse de s’aplatir. A 2460m, nous trouvons un replat ouvert vers l’Est, à l’abri du vent frais. Nous nous y arrêtons pour casser la croute et profiter de la vue. Le refuge des Cortalets est en-dessous de nous. Il ne nous faudra pas long pour le rallier, non sans passer par le pic Joffre (le qualificatif de pic est inespéré pour cette pointe quelconque).

Thomas Dulac, gardien des CortaletsRapidement nous prenons place à la terrasse du refuge. Il faut dire que nous avons une après-midi à tuer, donc autant bien choisir sa place et arriver tôt ! Le gardien du refuge, le grimpeur Thomas Dulac, va nous aider car il va s’attabler en notre compagnie. Je le connais de par mon boulot, je revends son topo de grimpe, Pyrénées du Levant (enfin quand j’en ai, car ses livraisons sont épisodiques – nous plaisanterons d’ailleurs à ce sujet), indispensable guide local pour tout montagnard. Le ton est relâché, et il nous avoue que la fin de saison commence pour lui, et il plaisante facilement. C’est éprouvant comme métier, il nous le fait sentir, il faut faire face à tous les imprévus. Melchior qui a fait plusieurs saisons en refuge en sait quelque chose. Mais là, ça y est, pour lui, la haute-saison est derrière, et les gros tracas avec. Il nous confie quelques anecdotes de l’été, sa difficulté à faire reculer le parking des 4×4, les chevaux qui squattent les alentours, la peur de devoir fermer en plein été par manque d’eau, les feux sauvages de randonneurs inconscients, les relations avec le CAF, la richesse des voies dans le secteur, et des choses plus personnelles comme des souvenirs du Hoggar, ou le fait d’être un des rares guides à ne pas avoir fait le Mt Blanc (“ah ben non, moi, au-dessus de 4000m, j’ai mal à la tête, j’aime pas ça“)… Bref une discussion à bâton rompu sur son refuge et tout ce qui s’y rapporte. Nous l’écoutons avec plaisir. Axel est particulièrement attentif et se voit bien travailler là l’été prochain ! Asis au soleil, à la terrasse, nous agrémentons la conversation d’une excellente bière locale, fabriquée à Argeles/Mer, la Cap Dona (mention spéciale à une brune faite avec du seigle de Cerdagne).

Après que Thomas nous ait indiqué le meilleur spot pour poser notre tente, nous voilà attablés pour notre dernière soirée ensemble. Nous pensions bien marqué le coup, mais est-ce la nostalgie qui nous saisit, la fatigue, le soleil de l’après-midi ? Reste que nous demeurons bien sages, à compiler les nombreux souvenirs des jours passés ensemble. Tout le monde en conviendra, cela s’est très bien passé entre nous, et nous en sommes tous ravis. La fin de soirée se passe derrière le refuge à regarder les lumières des stations balnéaires alignées le long de la côte d’améthyste, plongée dans le noir.

Un commentaire

  1. cyril
    26 octobre 2012

    Etape émotion effectivement avec l’apparition de la Grande Bleue et ce qu’elle symbolise pour celui qui effectue la traversée. Ca me rappelle bien des souvenirs, aux mêmes endroits, avec apparemment des sensations assez similaires. Merci.

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