13 au 15 mai 2021: séjour en 66

Long we en 66 entre Perthus et côte méditerranéenne. 

Départ le mercredi aprem pour aller se poser vers le col de l’Ouillat. Il fait beau, mais un front nuageux avance à grande vitesse vers la frontière, au-dessus de nous, et nous envahit bientôt. C’est impressionnant. Nous voyons le fort de Bellegarde, le Canigou blanchi, et un sommet pointu en Espagne que je n’identifie pas (encore).

Jeudi 13:

Lever sans réveil. Il fait beau mais frais, voire froid. 8 degrés dedans… belle vue sur les vastes étendues de forêts ensoleillées. Nous montons au mini parking devant la barrière. Le gps de la montre déclare forfait. Il ne trouvera le signal que lorsque nous approchons de la frontière, point de concours avec le GR. Très belle lumière. La côte se dessine au loin. Herbe généreuse et vaches espagnoles de l’autre côté de la clôture. Il y a de l’air. Bonnet gore tex gants. Au sommet, un vttiste, puis deux, puis un marcheur. Nous restons un moment. Large vue sur le versant français, les villages, la côte, la mer. Idem en catalogne. Nous redescendons par le sentier en forêt de hêtres, qui passe à côté d’une source aménagée. Nous le quittons pour rallier la piste par une sente raccourci. Piste agréable. Le petit parking est plein. Et il arrive du monde. Il est 11h30, nous levons les amarres.

Petite route étroite et bucolique mène au Perthus, ses immenses parkings goudronnés payants remplis de véhicules. Nous ne faisons que passer pour monter à Bellegarde. Visite à 4 euros, mais fermée. COVID oblige. Nous faisons le tour de l’enceinte. Un petit coup de voiture pour descendre à la redoute. Elle est très belle. Un cimetière à ses pieds, des bornes frontières. Nous y mangeons. Les tiques aussi… c’est la saison. Bien que sans test PCR négatif, nous franchissons la frontière pour étaler la nappe. Personne à l’horizon pour s’en offusquer. Les yeux et le ventre satisfaits, nous reprenons la route, toujours aussi étroite, en direction de Las Illas. Ça ressemble au bout du monde, mais il n’en est rien. En effet, la route continue, mais pas en s’élargissant. Nous nous posons dans un cul de sac, à Fontfrède, la source. Petit parking avec 4 véhicules, et un groupe de personnes d’un âge respectable qui occupe l’espace sonore comme un bus d’espagnols. Quant au niveau de langue, il est inversement proportionnel à l’altitude du lieu (1020m en 66, ce n’est pas rien). Nous prenons vite congé pour une courte randonnée sur le pic éponyme. Nous y trouvons un relai, beaucoup d’arbres, et peu de vue. Mais la forêt, de châtaigniers, est particulièrement reposante. De retour au véhicule, le soleil finit par s’éclipser derrière quelques rideaux de pluie en transits. Contrairement au nuage de Tchernobyl, les cumulus ne connaissent pas de frontière. Et personne ne leur demande de test PCR non plus. Nous attendrons demain pour entreprendre une sortie plus ambitieuse.

Ce soir nous sommes seuls sur le petit parking, vite reconquis par les petits passereaux dès le départ des derniers randonneurs. Pour le renard, il faudra repasser.

Vendredi 14:

Il a plu une grande partie de la nuit, chaque impact faisant tinter la tôle du toit. Mais qu’importe puisque… nous avons un toit! Au petit matin, les nuages opaques semblent s’être évaporés avec l’arrivée de l’aube. Comme la veille, c’est munis des gants et du bonnet que nous partons arpenter le sentier. Ça caille bien, et le vent en rajoute une couche (moi aussi). La forêt est sublime, ultra reposante. Un tel bain sylvestre est à recommander ! De jeunes châtaigniers filent droits comme des i vers le ciel, tandis que des hêtres noueux peut-être centenaires lancent leur immense ramure de toute part. Au milieu, quelques houx… à feuilles rondes, presque totalement dénués des dentelures qui d’ordinaire ourlent le contour. Chemin faisant, nous gagnons le pic des Salines, à cheval entre France et Catalogne. Sur cette dernière, le ciel se montre d’encre et n’incite pas à batifoler. Quelques images du versant français et de la côte qui s’étire jusqu’à l’horizon, quelques bourrasques de vent dans les cheveux (car aujourd’hui Eole travaille d’arrachepied), et nous voilà repartis. Le sentier de la crête frontière tricote un moment à travers quelques éminences rocheuses avant de basculer définitivement dans la marée des forêts. Un puit à neige ici (comme en Ariège, ils alimentaient les glaciers de la ville), le repère des trabucaires là, et une petite pause point de vue pour se remplir les mirettes, et l’estomac. A part un homme en crête tout à l’heure, nous n’avons rencontré âme qui vive. Mais là, deux hommes arrivent à notre hauteur, nous saluent, et… font leur pause à 4m de nous. L’homme serait-il grégaire ? En tout cas, moi ça m’horripile.

 

Retour par la petite route qui descend sur Céret avant de prendre les voies royales menant à Collioure. Et… les premiers bouchons. D’ailleurs, il y en avait autant sur les trottoirs que sur le bitume. Direction la plage de Paulilles. A 3h de l’après-midi, nous n’y croyons plus, mais sur le parking, l’unique place faite pour nous se libère à notre arrivée. Notre jour de chance ! Beaucoup de vent sur la plage, beaucoup de plagistes aussi. Mais comme c’est du gros grain, les allers et venues des uns comme des autres ne font rien voler hormis quelques masques anti covid. Le soleil joue les prolongations, alors nous restons jusqu’à ce que l’appel du couvre-feu nous remette sur les rails de la recherche de logement. Nous trouvons ce dernier sur les hauteurs de Port-Vendres et Collioure. Vue imprenable depuis une banquette qui nous attendait. 18h56, il était temps. Et dans les trente-six minutes qui ont suivies, ce ne sont pas moins de 4 campings cars qui sont venus se lover à quelques encablures, tant bien que mal (deux sont repartis faute de place). Grillade malgré le vent, footing post 19h. Pas de renard non plus ce soir, mais quelques blaireaux.

Le soleil se couche, les lumières fleurissent dans la ville, la silhouette du Bugarach s’estompe sur l’horizon crépusculaire. Le couvre-feu agit, seuls les battements lumineux des phares et des éoliennes scintillent dans la nuit.

23h20 : cloc cloc cloc sur le camion. « Bonsoir, vous ne pouvez pas rester là ». « Mais je ne peux pas, couvre-feu ». « Moi je vous l’autorise ». « Mais qui êtes-vous pour me l’autoriser ?». « Police municipale ». Le motif, non évoqué mais supposé, en agglomération, on se gare uniquement sur les emplacements signalés à cet effet. Évidemment, cela ne vaut pas pour les véhicules immatriculés 66. Chaque région a ses priorités et passe droits. L’Ariège est particulièrement bien lotie à ce sujet, à l’égard de certaines populations. La gueule d’un réveil au cours du premier sommeil, les yeux mi-clos, la clé tourne dans le contact et en voiture Simone pour aller… ailleurs. Bref, on est toujours le blaireau d’un autre.

 

Samedi 15:

Réveil au terme d’une nuit peu réparatrice. A peine habillés, nous quittons notre dortoir misérable et filons prendre un petit déjeuner avec vue, sur la mer, depuis les hauteurs de Port-Vendres. Sans même prendre la peine de se poser sur le précieux sésame qu’est le pointillé du parking. Ensuite, direction le sentier côtier pour rallier Collioure. Il est tôt, la foule des grands jours n’est pas encore apprêtée pour inonder les rues. La petite ville est à nous, presque uniquement à nous. Seul manque l’air, derrière le masque devenu obligatoire en zone urbaine surpeuplée. Avant que ledit peuple ne s’éveillé, nous gagnons les hauteurs du fort st Elme par un très joli sentier filant entre les vignes et oliveraies. De notre promontoire, la ville se révèle encore plus belle. A l’heure de la redescente sur le port de Port-Vendres, les quais commencent à faire le plein, les terrasses restant désespérément vide, hors saison.

Un dernier pique-nique avec vue sur les baies depuis les abords du fort Béar, bercé par les vocalises éraillées d’un faisan qui comme nous se sustente dans les vignes. La chaleur nous accable, et l’on en arriverait même à regretter le vent tempétueux de la veille. Décidément, jamais contents… A nouveau un couple vient se poser non loin de nous, et le groupe distant de 100m se fait entendre comme s’il était à 500; le petit vin de Banyuls aidant probablement. C’en est trop, nous quittons ces horizons beaucoup trop humanisés pour tailler la route en direction des extra-terrestres de Bugarach. Faute de pourvoir traverser les gorges de Galamus trop étroites pour le camion (2m), nous traversons le col saint Louis et sa superbe route. Un extraordinaire cordon s’infiltrant au cœur d’une nature généreuse, quasi exempte d’habitations. Deux beaux sangliers se tiennent même en lisière de forêt dans les prairies épaisses. Ce tableau idyllique tombe vite dès l’arrivée sur le col de Linas, saturé de véhicules. Sans prendre le temps de la réflexion, nous tournons les talons et nous avançons sur une piste au bord de laquelle un petit emplacement s’avère parfait. D’un côté le Pech de Bugarach, et ses hérissements rocheux. De l’autre d’immenses prairies où paissent de nombreux chevaux.

Toute la fin d’après-midi, les passages pluvieux se succèdent, jamais violents, mais toujours humides.

Dimanche 16 :

La nuit fut calme, contrairement à la soirée au col de Linas dont on entendait monter les échos. Le matin, c’est de là que nous partons, nous cantonnant à la voie normale du Pech de Bugarach, la météo ne se montrant pas du tout optimiste. Les fêtards s’éveillent, nous prenons la tangente vers le pech. Montée dans une forêt qui rapidement devient de buis, poussant sur un sol de débris calcaire. Au fur et à mesure de la montée, de nombreuses fleurs apparaissent : lis des Pyrénées, jonquilles, gentianes accoles, fritillaires… et nombre d’autres dont les noms me sont inconnus. Les falaises du Pech, élégantes, tandis que le sentier file toujours amont, gagnant la croupe sommitale. Nous y sommes les premiers, seuls à profiter du spectacle. La mer au loin, le Canigou, le Madres dans la soupe, les forêts et collines au premier plan, et… un front pluvieux qui s’annonce en grandes pompes… Nous ne tardons pas et redescendons

 Comme prévu par le même itinéraire, nous réservant les accès plus « techniques » pour une autre fois. Car assurément il faudra revenir sur ce promontoire dont la vue sur les Pyrénées et au-delà semble extraordinaire. Sur le chemin du retour, une magnifique femelle de lézard (vert) se dore au soleil, ne s’inquiétant pas le moins du monde de notre présence dans son environnement proche. Probablement profite-t-elle des derniers instants « secs », car la pluie épaisse nous laissera juste le temps de regagner le parking. Essuie-glace tout du long jusqu’à nos pénates.

 

 

 

Un commentaire

  1. Tante
    28 mai 2021

    Ouf, un vrai roman ! !!
    Merci, il me semble que j’y étais. ……

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